Collision d’ALLINGES. L’ombre d’un doute.
Article de la revue La Vie du Rail n°3412 du 24 avril 2013.
Réseau Ferré de France (RFF) et la SNCF, poursuivis pour homicides involontaires dans le procès de la collision entre un autocar et un TER à un passage à niveau à Allinges (Haute-Savoie) qui avait fait le 8 juin 2008 sept morts parmi des collégiens , ont plaidé la relaxe le 12 avril devant le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains. Le parquet a requis une amende de 300 000 euros à l’encontre de la SNCF et de 150 000 euros contre RFF pour leur <<défaillance>> dans la <<détection du caractère dangereux du passage à Allinges>>.Il a également requis trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, à l’encontre du chauffeur.
Les avocats des deux entreprises ont souligné que la dangerosité du passage à niveau d’Allinges était liée à la configuration de la route, qui dépasse largement les compétences de RFF et la SNCF. Ils ont également assuré que les deux entreprises n’avaient jamais été alertées de la dangerosité de ce PN. Ils ont enfin insisté sur la responsabilité du chauffeur du car qui<< n’a pas respecté le code de la route>>.
Le passage à niveau d’ALLINGES n’a été classé qu’en 2012 dans la liste des passages à niveau préoccupants. Sa suppression est prévue à terme, pour un coût de 18 millions d’euros, selon RFF.
Le jugement est attendu le 26 juin.
Cette décision de justice est conforme au schéma type utilisé dans ce type d’affaire.
Que ces deux entreprises soient poursuivies pour <<homicide involontaire>>, c’est incontestable car c’est bien le train qui est venu percuter l’autocar. On aurait pu poursuivre le conducteur du train comme il est fait pour le chauffeur du car, mais ces deux entreprises assument globalement cette responsabilité. Toutefois, si ces dernières jugent que le conducteur du train à commises des erreurs des sanctions internes seront prises à son encontre.
Les dispositions sont différentes pour le chauffeur du car, son propriétaire n’assure pas la responsabilité de son employé. Ce propriétaire pourrait être poursuivi s’il était retenu contre lui que le matériel n’était pas bien entretenu.
Je constate avec surprise que parmi les prévenus qu’il y a une absence de marque en celle de la DDE. Pourquoi ?
Nul n’ignore qu’un passage à niveau (PN) est un croisement entre une route et une voie de chemin de fer. En conséquence toute installation en ce point requiert la présence de toutes les parties prenantes. Un examen commun du site est organisé et chacune des parties est tenue de faire part de ses objections ou accords. Ceci est consigné sur un procès-verbal.
Partant de ce constat chacune de ces entités réalise les aménagements qui sont de sa compétence dans les emprises de la SNCF et RFF pour celles-ci, dans les emprises de la voierie pour la DDE.
Nous voyons donc une lacune dans l’absence de la DDE à ce procès.
Voilà naître << l’ombre d’un doute>>
Les procédures ont-elles été réellement mises en application ? Voila une première question.
Certains affirment que le conducteur du car a manœuvré sur le PN.
Cette hypothèse est possible, alors pourquoi a-t-il été obligé de manœuvrer ?
La raison la plus probable, c’est qu’il s’est trouvé devant un problème de profil routier sur le platelage ce qui a pu contrarier la trajectoire du car, l’entraînant vers une immobilisation hors de ce dernier. Cette situation l’aurait obligé à manœuvrer pour se dégager.
Cette initiative, peut-elle être jugée dangereuse ou salvatrice ?
Le bilan aurait peut-être pu s’alourdir si elle n’avait pas été tentée. Une percussion moins tangentielle pouvait provoquer un déraillement et des victimes dans le convoi ferroviaire.
Quelle infraction au code de la route aurait-il pu faire ?
Si ce profil routier est l’élément déclencheur de cette collision, c’est peut-être du à un dévers important à prendre en considération pour un classement du PN sur la liste des <<accidentogènes>>.
Ce classement conduit obligatoirement à un complément spécifique de la signalisation routière. C’est là que les différentes parties interviennent.
Cette <<ombre d’un doute>> m’interpelle et m’oblige à cette question de conscience de savoir qui est ou sont les principaux responsables.
Le conducteur du car qui subit les conséquences d’une mauvaise évaluation de l’état du PN ?
Ou la DDE et les deux sociétés RFF et SNCF pour leur mauvaise évaluation des risques ?
N’a-t-on pas oublié les services de la Préfecture signataires de l’arrêté préfectoral autorisant la création ou modification du PN ?
Le manque de coordination entre les différents services, handicape les bonnes décisions par défaut de vigilance auxquelles il y a lieu d’ajouter les problèmes de financement.
J’espère et souhaite que ces pertes humaines entraînent une prise de conscience sur les responsabilités de chacun afin que de tels drames ne viennent encore endeuiller des familles et détruire la vie souillée de remords.