Dans cette bien modeste demeure d'un si joli petit village des Pyrénées, j'ai vécu humblement une merveilleuse
enfance.
Nous vivions en communauté où tout le monde avait sa place, des grands-parents juqu'aux enfants.
Chacun avait ses devoirs et ses droits et paticipait aux tâches que nos capacités nous permettaient d'assumer.
Je me souviens de cette période de Noël de la décennie des années 40 à 50, juste après cette terrible guerre qui avait nivelé les esprits.
Les prémices de la fête commençaient à l'école primaire. Les instituteurs et institutrices racontaient des histoires aux plus petits et faisaient lire à haute voie aux moyens et aux grands
et à tour de rôle les <lettres de mon moulin>. Pas un seul bruit dans cette salle de classe où tous les niveaux cohabitaient.
Nous étions facinés par la douceur des contes empreints de morale.
Nous sentions chez ces enseignants une affection complémentaire à celle des parents, nous avions pour eux un profond respect, comme pour les remercier pour ce qu'ils nous apportaient.
Les vacances de Nöel étaient bien plus courtes qu'à présent. Nous cessions généralement les cours la veille et les reprenions le lendemain du premier de l'an, en fonction des jours habituels de
repos.
Rien de matériel ne nous faisait préférer ces vacances à d'autres, tout résidait dans la chaleur humaine que nous allions partager en famille durant cette veillée et le jour de Noël.
Dans cette humble situation, notre plus beau cadeau et la plus grande richesse était de partager l'amour d'une famille, abandonnant en apparence pour un jour les tracas d'une vie.
Après avoir vacqué aux occupations quotidiennes, nourrir les animaux, traire les vaches, nettoyer les étables et les bergeries, tout le monde prenait un frugal repas avant de s'installer en
demi-cercle devant la cheminée.
En attendant l'heure de partir vers l'église et participer à la messe de minuit, coutume en voie de disparition, nous faisions griller des châtaignes précieusement conservées dans leurs bogues
sous un tas de feuilles. J'adorais m'occuper de cette tâche en manoeuvrant la queue du grilloir pendu à la crémaillère. Il fallait être vigilant car une surchauffe des châtaignes entraînait leur
explosion qui pulvérisait le fruit. Quand la cuisson était terminée nous les placions dans un panier artisanalement fabriqué en bois de châtaigner et nous les recouvrions d'une couverture en
laine pour les maintenir au chaud.
Le panier circulait de l'un à l'autre sur le tracé du demi-cercle. Je contemplais rêveur une flammèche qui sautillait sur une souche. Elle se consumait lentement comme si elle voulait nous
réchauffer jusqu'à notre départ.
La chaleur dégagée par les coeurs en présence aurait à elle seule suffi à nous chauffer malgré le froid hivernal.
Voilà un bonheur simple que j'aurais aimé perpétrer.
Dans mon enfance, je ne me souviens pas d'un Noël sans neige. Nous les enfants attendions cela avec impatience. Malgré ces conditions hivernales il fallait se rendre à l'église, parcourir près de
deux kilomètres avec nos petites jambes, à pied dans la neige fraîchement tombée et qui rentrait dans nos sabots.
Nous avancions sans problème dans la nuits, la lune éclairait ce manteau blanc immaculé. Tout au long du trajet, les voisins se joignaient à nous pour former un cortège. Les conversations
allaient bon train.
Tout cela créait un climat de convivialité animé par la ferveur d'une nuit très particulière.
Nous étions fiers d'être admis dans ce monde d'adultes qui, du coin de l'oeil veillait discrètement à notre sécurité.
Nous entrions dans cette grande église à peine éclairée par des bougies et des cierges. Un silence imposant y régnait, pas un mot pas un bruit. Une chauve-souris s'était jointe à la fête
créant une diversion par sa présence peu appréciée des femmes craignant pour leur mentille.
Nous prenions place en attendant les douze coups de minuit.
Emus et concentrés, nous écoutions les cantiques rythmés par le vieil harmonium que le prêtre utilisait.
Au fond de l'église était dressée la crêche, avec des personnages grandeur nature, des animaux domestiques qui nous étaient familiers, nous restions béats tant elle était belle.
La cérémonie terminée, nous reprenions rapidement le chemin du retour car la veillée allait se poursuivre une bonne partie de la nuit du moins pour les adultes.
En arrivant à la maison, un grand bol de lait chaud nous attendait. Grand-mère était restée à la maison pour préparer un gâteau a base de pâte à pain recouvert d'une couche de crème de lait et de sucre en poudre. Ce n'était pas une brioche du boulanger mais c'était pour nous un régal. Tous ces ingrédients étaient d'un naturel qu'il m'est difficle de retrouver aujourd'hui.
Quelle joie de se retrouver tous réunis en famille devant ces bols fumants.
Pas de sapin décoré, pas de jouets ou d'argent pour étrennes, nos parents étaient si pauvres matériellement, mais, quelle richesse dans leurs coeurs. N'était-ce pas là le plus beau des cadeaux?
Le marchand de sable agaçait nos yeux. Mes cousins et cousines avaient le même âge que moi, cette nuit là nous dormions tous dans le même lit.
Nous rêvions sûrement à de beaux cadeaux que d'autres que nous auraient, mais en se levant nous trouvions dans nos sabots une orange ou une mandarine.
Nous avions un cadeau utile, un tricot ou une paire de chaussettes en laine naturelle, tricoté en cachette.
Alors nos yeux s'illuminaient tout en embrassant nos parents et en les remerciant pour ce sacrifice qu'ils venaient d'accomplir.
Le petit déjeuner, un bol de lait et un bout du gâteau qui restait de la veille. La neige était au dehors qui nous attendait mais il faisait encore trop froid pour sortir alors nous inventions des jeux ou partions dans le fenil pour chahuter dans le foin.
A midi un repas exceptionnel préparé par ma grand-mère et ma maman, toutes deux excellentes cuisinières dont
certains restaurateurs pourraient aujourd'hui s'inspirer.
Au menu ce jour là, que des
produits issus de notre minuscule élevage et de nos cultures.
Il y avait ce succulent boudin grillé sur les braises devant la cheminée accompagné de pommes également cuites sur ce gril. Le fumet dégagé par la cuisson venait chatouiller nos narines et
exciter nos papilles.
La pauvre dinde élevée avec soin cuisait dans la cocotte en fonte noire, pendue à la crémaillère, sa peau grillée embaumait la maison.
Les châtaignes cuites la veille étaient ajoutées à son jus.
Dans une poêlle à côté cuisaient des pommes de terre coupées en dés pour augmenter le volume du plat.
Pas d'apéritif, de vins fins au menu, juste un peu de <piquette> jus de raisin peu alcoolisé destiné seulement aux hommes.
Pour dessert une pomme cuite sur le grill, un morceau de bûche fabriquée par ma maman excellente pâtissière.
Un café jus de chaussette avec un petit verre de rhum ou d'eau de vie.
Nous sortions de table vers quinze ou seize heures. Commençaient alors les interminables parties de cartes ou de loto dans une ambiance chaleureuse et appaisante.
Pour nous les enfants si le temps le permettait on s'adonnait aux batailles de boules de neige ou à la construction d'un bonhomme de neige qui monterait la garde au bord du chemin durant plusieurs jours.
LA NOSTALGIE ME GAGNE !
J'aimerais tant en cette période de crise que les femmes et les hommes retrouvent la volonté de partager en toute modestie les choses simples de la vie.
Quel bonheur pour un coeur de savoir partager un sourire, un geste amical, une parole encourageante.
A TOUTES ET A TOUS JE SOUHAITE UN TRES JOYEUX NOËL.