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4 octobre 2021 1 04 /10 /octobre /2021 18:39

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 L’ENFANT et ses SOUVENIRS.

 

PREFACE 

Je suis convaincu, qu’à notre naissance et à notre insu, nous sommes investis d’une mission.

Une équation aux multiples inconnus qu’il faut résoudre seulement par la logique.

Le temps imparti pour ce faire est aussi une autre inconnue.

Immanquablement, il correspond à la durée de notre vie.

C’est cette ignorance qui nous permet de mener cette mission à son terme avec le meilleur résultat.

Tout ce qui est inconnu nous intrigue, nous obsède.

Je pense que pour une majorité d’entre nous, le résultat sera satisfaisant.

Je crois également, que pour l’être humain raisonnable, le parfait n’existe pas.

 

*certains de mes mots employés sont tirés du vocabulaire « patois bigourdan »

 

 

 

AVERTISSEMENT.

 

Les faits se déroulent réellement dans ce petit village Bigourdan des Hautes Pyrénées.

Son nom est associé à une plante potagère fréquemment savourée.

Si l’identité des personnages est volontairement oubliée, c’est par respect pour les êtres disparus et leur descendance.

Le désir de narrer ces faits, est pour moi l’occasion de prouver mon profond attachement à ma terre natale, racines nourricières des souvenirs de mon enfance.

Je veux simplement démontrer  que notre civilisation se créé par une succession répétitive de conditions sensiblement identiques.

Nul besoin de s’alarmer ou de se plaindre, « notre mission » prévaudra sur toutes nos jérémiades.

Pour mieux comprendre et admettre certains comportements humiliants, un extrait d’état civil est indispensable.

   -mon grand-père maternel         28/05/1866-19/02/1927

   -ma grand-mère maternelle       08/03/1881-10/10/1946

   -mon oncle Gabriel                     /   /  /1901-04/06/1934

   -mon oncle J.L                         28/03/1903-15/04/1977

   -ma tante Antoinette                 21/08/1905- 05/12/1997

   -ma maman Anastasie              17/09/1910- 29/06/1970

   -ma tante Gabrielle                  01/01/1920- 21/11/2003      

 

 

 

 

 

 

 ENFANCE d’ETH  BASTARD*

 

 

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En ce mois de janvier1940, conformément à la législation, je deviens, avec la particularité, un citoyen français né de père inconnu. Cela me vaut la distinction « eth bastard » »*

Quand je suis bébé ou jeune enfant, cela demeure sans incidence, ce n’était pas le cas pour ma maman et le reste de la famille.

Il me faudra supporter cet état ma vie durant et peut-être au-delà.

Plus tard, j’ai connu mon origine paternelle, mais son absence n’a pas altéré mon cheminement.

Aujourd’hui, je mesure les conséquences de son comportement, refuser d’honorer ses obligations logiques et repousser une des valeurs essentielles qui bâtissent l’humanité n’est pas honorable.

En janvier 1940, sans le savoir, je viens de remplacer un de ces patriotes qui meurt au champ d’honneur.

En ce temps-là, je ne soupçonnais pas que je sois un fervent patriote, français avant d’être européen.

Dans cette modeste commune, face au Pic du Midi de Bigorre, la majorité des familles sont humbles  pour ne pas dire misérables.

Les hommes valides sont sur les champs de bataille, laissant les femmes seules exploiter les terres.

C’est ainsi, que dans notre modeste demeure, je vis dans un milieu totalement féminin, ma grand-mère, ma mère et

 

 

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ma tante. Mon oncle, le seul homme encore vivant, est domestique agricole depuis son jeune âge, loin de cette ferme familiale.

Je sais que depuis longtemps, ma maman supporte les pires humiliations, une fille-mère est un déshonneur.

Cela n’est pas facile en ce jour de janvier, la température est basse et rien n’est prévu pour mon arrivée.

Pas de clinique pour accoucher, l’opération se déroule à domicile avec tous les problèmes que cela entraine. Toute complication peut entrainer le décès de la maman ou du bébé, ou les deux.

La grand-mère qui gère de main de maître ce monde féminin, n’est pas souple avec l’éducation des valeurs essentielles.

C’est bien plus tard que des révélations me sont faites, parfois dans des circonstances embarrassantes.

Comme pour tous les bébés, la nudité est notre premier habit. Il ne dure que quelques heures au plus ;

Pour ce qui me concerne, ce n’est pas le cas, les vêtements se font attendre. Pourtant ma grand-mère a élevé cinq enfants.

Cela est inconcevable, mais courant.

Quant au berceau, il ne sera pas là pour l’instant. Il n’est pas indispensable.

A l’âge de quatre ans, je partage encore l’unique lit de quatre-vingt  centimètres qui nous est attribué dessous un escalier, pièce, au sol en terre battue.

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Pour cette grand-mère je peux éprouver de la rancœur, mais il n’en est rien.

Aujourd’hui, pour tous ces faits, je remercie ma grand-mère, ma maman et tant d’autres, pour cette rudesse qui forge et imprègne des valeurs essentielles.

Je me dois, aujourd’hui de révéler certains souvenirs d’enfance, parce que dans mon esprit, ils sont et restent d’actualité.

L’école de la vie commence très tôt dans ces humbles milieux.

Dans une ferme, la vie se partage avec les humains, mais également avec les animaux.

Ces derniers tiennent une place prépondérante, c’est pour cela que nous leur apportons des soins attentifs de tous les instants.

A ce jour, la nouvelle génération a des difficultés à accepter nos récits, ils pensent à une fabulation.

Soit, cependant, je me dois de rapporter ici quelques anecdotes.

Dans ma quatrième année, ma grand-mère me demande de couper des orties pour nourrir les canards.

Je refuse d’obtempérer, sachant par expérience, ces orties, plus grande que moi, provoque des piqûres désagréables et douloureuses.

La sanction ne se fait pas attendre.

 

 

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Alors que je suis en culotte courte, ma grand-mère se saisit d’une poignée de ces redoutables orties et corrige mon impertinence par une volée sur mes jambes dénudées.

A ce jour, un tel acte est porté devant les tribunaux. L’enfant est devenu roi.

Mes yeux baignés de larmes, je prends mon courage à deux mains et récolte la nourriture des canards.

Des canards dont je ne mangerai pas un seul morceau.

L’anecdote des canards image bien les relations indissociables qui existent entre la nature, l’animal et l’humain.

Toutes ces humiliations confirment, qu’avec ma chère maman, nous sommes la tache indélébile déshonorante. Pourtant, maman, sa santé fragile, est le pilier de notre famille. Ses talents de cuisinière, de femme d’intérieur et son obstination pour les travaux agricoles, elle est pour moi la maman modèle.

L’indulgence est-elle un signe de faiblesse ou bien une qualité de cœur ?

Le cours de notre vie, n’est-il pas une nue pièce de théâtre aux multiples actes ?

Pour ce qui me concerne, elle se joue dans cette modeste ferme, partagée par les humains et les animaux domestiques.

Nous sommes dans la décennie mille neuf cent quarante, mille neuf cent cinquante. Cette ferme est dépourvue d’eau courante, de puits, l’électricité n’est encore qu’un rêve. Il

 

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faut, avec une cruche ou des seaux, parcourir à pied quatre cents mètres pour puiser l’eau potable dans le puits du voisin. Pas besoin de recommandations pour économiser cette denrée indispensable, les efforts suffisent pour me faire comprendre cette valeur essentielle.

L’eau de pluie est récupérée pour notre toilette et pour abreuver les animaux. Des récipients désaffectés sont pour cela utilisés.

C’est avec ce procédé, qu’à l’âge de trois ou quatre ans, j’ai failli perdre la vie par noyade. L’un de ces récipients, une grande « oule ventrue » est remplie par la dernière pluie. La curiosité infantile, me pousse à savoir pourquoi mon visage se trouve dans ce récipient devenu un miroir. Ce qui arrive est prévisible, mon corps penché bascule, la tête en avant et mon corps frêle reste coincé dans ce piège. La noyade est évitée par la venue de maman.

Que faut-il retenir de cet acte ? La curiosité est-elle un vilain défaut ou simplement une bribe de ce long apprentissage ?

Je viens d’entrer une importante notion dans mon bloc note cérébral, l’évaluation. Primordiale dans bon nombre de décisions. Pour l’heure, celle du danger qui nous guette dans ce monde rural. Apprendre à ses dépens n’est-ce pas la meilleure des leçons ?

 

 

 

 

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Après cet incident, matériellement, rien n’a changé « l’oule » continue sa collecte d’eau de pluie dans les mêmes conditions.

Cette « corvée » » d’eau quotidienne est multipliée par le développement familial. La famille en un premier temps se limite à ma grand-mère, ma maman, ma tante et moi. La partie habitable de la ferme se limite à une grande pièce divisée par une cloison à mi-hauteur. Une première pièce, la plus grande, avec son immense cheminée, sert à la fois de cuisine, de salle à manger et séjour et également de chambre à coucher avec un lit près de la cheminée ouverte sur le reste de la pièce.

Absence totale d’intimité, mais promiscuité assurée.

En face de la porte d’entrée, donnant accès à un dégagement, un escalier permettant d’accéder au grenier et au fenil, lieux de stockage.

Si la grande pièce a un plancher pour sol, le minuscule dessous d’escalier est en terre battue. Ce lieu sert de chambre à coucher que je partage avec ma maman dans un seul lit étriqué. Aujourd’hui, malheureusement, l’actualité met encore en évidence des situations dramatiques identiques.

Dans ces années d’après-guerre, le gaspillage de nourriture ou de vêtements n’existe pas. L’esprit d’entre aide est encore présent.

Aujourd’hui, je souffre et suis malheureux parce que la déshumanisation nous abaisse à la bestialité.

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Comme dans toute pièce de théâtre, la troupe évolue en nombre. Certains éléments de ma famille sont des inconnus pour moi. Les circonstances entrainent le retour de l’enfant prodigue. Cet oncle, qui dans son plus jeune âge est placé domestique dans un village très éloigné de la maison familiale. Le seul moyen pour se déplacer est la marche à pied, dans cette condition il fallait une journée pour venir et une autre pour repartir. Or, une ferme vit tous les jours de l’année,

donc absence impossible.

Je ne le sais pas encore, mais c’est un homme exceptionnel, véritable encyclopédie du monde rural, qui aime partager son savoir, souvent avec amour et désintéressement. Son savoir ne se limite pas à cela, il a beaucoup lu et donc

beaucoup retenu. Titulaire du Certificat d’Etudes Primaires(CEP) à l’âge de neuf ans, l’histoire de France et la géographie sont parmi ses richesses intellectuelles.

A son retour au village, il reçoit un accueil exceptionnel, sa réintégration est immédiate.

Pour moi, le moment de surprise passé, je fais de lui mon maître à penser.

Son retour est indispensable, le monde féminin de la famille est à bout de souffle, la rudesse des travaux champêtres a mis à mal la santé de grand-mère et de maman.

 

 

 

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La guerre créé un flux de migrants du nord et de l’est de la France, fuyant l’ennemi envahisseur. Je crois que notre région est une bonne terre d’accueil.

Des frères et sœurs déferlent dans nos petits villages, c’est ainsi que ma tante rencontre son époux.

Le mariage a lieu sans tarder et la naissance de mon adorable cousine s’en suit. Trois années seulement nous séparent.

Cette situation entraine un terrible bouleversement, une nouvelle pièce pour ce nouveau monde est indispensable.

Nouvelle humiliation pour ma maman qui n’a pas droit à un brin d’honneur.

A cet instant, elle tente de convaincre mon géniteur de créer une famille, sans succès. Je ne meure pas sa douleur, mais c’est certainement terrible.

Nous sommes en 1943, cette maudite guerre se déroule encore  hors de notre région. Cependant, les restrictions commencent à se faire sentir et aggravent nos conditions de vie déjà précaires. Par son âge, mon oncle n’est pas enrôlé, temporairement comme tous ses conscrits. Ils sont d’un précieux secours, car, ils ont fait leur service militaire obligatoire, ils ont donc à l’esprit les rudiments des tactiques militaires. Encore faut-il les écouter, les entendre et leur faire confiance.

Le dimanche 11 juin 1944, alors que j’ai à peine quatre ans et six mois, la barbarie allemande s’en prend à la population de notre village.

 

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Représailles, dues au barrage édifié en travers de la nationale 135, en amont de la bourgade.

Mon oncle et son ami sont opposés à cette édification d’arbres abattus, totalement inefficaces face à l’équipement de l’ennemi.

Le bilan est lourd, 13 personnes y trouvent la mort, fusillées par les troupes allemandes.

Cette nationale 135, à la traversée du village, porte à présent le nom d’Avenue du 11 juin 1944.

Cette période occupe une grande place dans ma mémoire d’enfant.

Des faits, dont je ne peux encore évaluer l’importance sont cruellement imprimés dans ma frêle boîte à souvenirs. Ce dimanche 11 juin, des fidèles sont réunis dans l’église du village pour célébrer la messe dominicale. Elle n’est pas implantée sur le trajet de cette horde de sauvages, galvanisée par l’alcool ingurgité le long du parcours.

Cette implantation a contribué à la protection d’un grand nombre de mes concitoyens résidents.

Inconscients de la réalité des évènements qui se déroulent au centre du bourg, de nombreux habitants se réfugient dans un petit hameau juché au sommet de la colline.

Mon oncle, un grand sac sur son épaule, rempli de pain, me tient par la main, m’entraine vers ce hameau.

Mes petites jambes dénudées sont habituées au tout terrain et ne craignent plus les piqûres  de ronces. A travers

 

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bois, dont nous connaissons tous les sentiers, à l’abri des yeux ennemis, nous gravissons allègrement la colline. La première maison de ce hameau est la cible privilégiée de l’assaillant, les armes automatiques l’arrosent intensément. Nous avons un espace découvert à franchir, pour ce faire, mon oncle m’indique comment se déplacer en rampant.

Pas question de prêter attention aux écorchures laissées par le chemin caillouteux, légèrement encaissé. Unique protection efficace à respecter. Les sifflements des projectiles et mottes de terre qui tombent sur nos corps, sont notre baptême du feu.

Je ne suis pas au bout de mes découvertes. En arrivant à cette première ferme, toujours bien protégés des regards et des projectiles ennemis, nous découvrons l’horrible massacre des lapins dans leur clapier.

Mon oncle, cet homme exceptionnel, sans mot dire, jette sur moi un regard inquisiteur. Ses yeux croisent les miens, cela lui suffit pour analyser mon jugement et mon ressenti sur ce spectacle de désolation.

Suis-je en mesure à mon âge, de me forger une conviction, la violence, qu’elle qu’en soit son origine n’est pas un moyen de résolution des problèmes.

Cette épreuve me confirme qu’un père n’est pas indispensable dans un couple, mais qu’un homme débordant d’humanité, comme mon oncle est nécessaire.

 

 

 

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