GÊNE. Recherche RESPONSABLES.
J’ai pour le peuple italien, et particulièrement pour les victimes de ce drame, de sincères pensées attristées. Le destin a frappé des innocents. Ceux qui ont vécu l’évènement sans blessures physiques sont profondément touchés psychologiquement ; ces images ne pourront s’effacer sans laisser de traces. Il y a tous ceux qui se retrouvent sans abri et qui ne peuvent revenir chez eux. Abandonner son logement qui renferme tant de souvenir est traumatisant.
Quand un drame vient frapper la population, la polémique prend la première place, c’est encore le cas dans l’effondrement de ce viaduc.
La chasse aux sorcières est déclenchée, il faut trouver le ou les responsables.
Tout ouvrage technique est un nouveau risque parce que les paramètres sont très nombreux, et certains inestimables.
Les architectes, les ingénieurs de toutes formations, sont des personnes compétentes qui s’investissent pleinement dans leurs projets et ne méritent pas d’être considérés comme des responsables formatés.
Malheureusement, les intérêts financiers prennent le pas sur la technologie.
Une erreur de calcul est toujours possible, mais dans de tels projets, les vérifications sont faites à de nombreux niveaux.
Il est parfois très difficile de connaitre la géologie du site retenu, des pièges enfouis à plusieurs dizaines de mètres de profondeur peuvent être dissimulés par les différentes couches du sol, une rivière souterraine peut se former après de nombreuses années.
Ce qui me choque dans cette catastrophe, c’est le comportement de la société d’exploitation, une attitude indécente par la proposition d’une indemnisation prématurée.
Elle est pour moi, le comportement de quelqu’un qui se sait responsable. Tout ce qu’ils proposent fait ressortir l’attitude mafieuse dont l’Italie est affublée depuis de trop nombreuses décennies.
Le gouvernement semble décidé à refuser ces propositions honteuses. L’avenir nous éclairera sur les capacités de ce nouveau gouvernement.
Les délais de reconstruction d’un ouvrage de remplacement sont ridicules. On ne peut à ce jour, faire allusion à une reconstruction. La priorité étant de déterminer les causes de cet effondrement, mais avant cela il faut rechercher tous les indices techniques susceptibles d’être mis en cause.
Pour ma part, je suis persuadé que d’autres cas se produiront très fréquemment, la France n’est pas à l’abri de cela, en est pour cause principale, la rentabilité.
Des réflexions basées sur la logique doivent redevenir la priorité.
Tout le monde sait que le vieillissement est la cause principale de disfonctionnements.
L’être humain en est un bel exemple. La résistance physique d’un humain de vingt est bien supérieure à celle de celui de soixante ans. En conséquence, l’allègement des efforts de ce dernier ne peut qu’allonger sa vie.
Mais voilà, une contradiction idiote bénéficiaire au profit, vient s’ajouter à tous ces nombreux paramètres, plus les ouvrages d’art vieillissent, plus on augmente les contraintes.
Quand cet ouvrage Morandini fut construit, le nombre des véhicules qui l’empruntait était très nettement inférieur à celui d’aujourd’hui. Pire encore pour ce qui concerne les transports par camions, la taille de ces derniers a été multipliée par deux, et par trois pour certains.
Ces éléments sont connus à la fois par l’exploitant de ces structures et par les gouvernements, quels qu’en soient les pays.
Les premiers responsables ne seraient-ils pas ces deux-là ?
En amont de ces deux il y en a au moins un autre principalement, celui qui a participé à la réception des travaux. Ces derniers sont rarement mis en cause parce qu’il s’agit de représentants de l’état aux plus hauts niveaux.
Le prestige prévaut sur l’esprit de responsabilité. Ce prestige qui dans le cas d’une catastrophe se traduit par une descente à l’enfer.
Les essais préalables à la mise en service de telles installations ne sont pas faits dans les conditions réelles d’exploitation. On accumule et immobilise sur l’ouvrage de forts tonnages.
Ce ne sont pas les conditions réelles d’exploitation, des véhicules en mouvement génèrent d’autres incidences, notamment des vibrations. Si l’ouvrage comporte des rampes d’accès, les contraintes sont encore différentes parce que la force fournit par ce corps est très différente de celle d’un même corps posé sur une surface horizontale.
Qui peut affirmer à ce jour que si cet ouvrage Morandini avait conservé son trafic de l’époque de la construction se serait effondré ?
Les photographies de l’ouvrage ne permettent pas de déterminer si les deux extrémités de la partie effondrée correspondent à l’emplacement des joints de dilatation.
On ne voit pas exactement l’emplacement de la pile qui se serait effondrée.
Cette pile semble être édifiée dans une zone humide, donc instable. Les conditions atmosphériques de ces soixante années d’existence ont nécessairement modifié la nature du terrain.
Toute personne sensée et observatrice, peut constater que, si ses deux pieds sont sur un sol détrempé, la pénétration dans le sol a un degré. Si vous levez un pied, cette pénétration est plus importante et provoque irrémédiablement un déséquilibre du corps pouvant se traduire par la chute de ce dernier.
Je pense que cela pourrait être la cause de cette catastrophe. L’examen minutieux de la position et de l’orientation des blocs de béton peut donner une bonne raison d’orienter les recherches en ce sens. Voilà pour l’aspect technique du problème.
Pour ma part, le plus grave, l’organigramme de tels travaux.
Les décisions techniques ne peuvent être tributaires de la finance et de la rentabilité.
Dans l’exercice de ma profession, j’ai été confronté à ce problème. Ma remarque m’a valu des représailles d’avancement, cela est sans importance pour ce qui me concerne.
J’étais sur un projet concernant des installations dites de sécurité. Mon projet ébauché a été soumis à une estimation du coût. Le montant estimé était trop élevé, et on m’a demandé de simplifier le projet. J’ai refusé parce que je jugeais qu’un disfonctionnement grave pouvait se produire. Voici ma réponse à mes supérieurs : Messieurs si vous n’avez pas les moyens financiers pour ce projet, alors ne le présentez pas.
Malheureusement, de nos jours, les projets sont faits en minorant les valeurs techniques de référence, voire même dans supprimer certaines.
Mais on n’en reste pas là, les sociétés d’exploitation, complices des décideurs politiques, spéculent hasardeusement, engrangent des fortunes qui, pour une bonne part devraient servir à l’entretien indispensable pour un bon fonctionnement et la sécurité de tous.
Dans tous les domaines, on tire sur la corde sans respect des normes.
J’espère ne jamais voir une telle catastrophe avec le pont d’Aquitaine à Bordeaux, mais sa conception me parait bien osée. Un ancrage coté colline dont personne ne peut garantir l’efficacité, et une rampe d’accès côté zone humide qui cumule des bouchons importants de convois de camions lourds.
Un nouveau pont est en construction momentanément stoppée par un différend financier.
BAYARD