Quand je pense à la pêche, je rêve d’un petit coin tranquille au bord d’un étang ou sur les berges d’un torrent bercé par son clapotis.
Bref, c’est la version des authentiques amoureux de la nature, loin des intérêts et des profits.
Mes chers amis les pêcheurs, je vous parle d’une nouvelle pratique dans un cadre bien différent et surtout plus dangereux.
Il s’agit de la pêche à la clientèle.
Les appâts sont systématiquement des leurres.
La partie de pêche commence dans un centre commercial de l’Entre-deux-Mers par un tirage au sort et se termine dans un <restaurant gastronomique>.
C’est alléchant pas besoin de bottes et de cannes à pêche.
C’est grâce à mon épouse que nous avons l’occasion de profiter de cette offre.
Incroyable surprise parce qu’elle n’est pas chanceuse aux jeux.
Après avoir longuement hésité, munis d’une invitation nous nous rendons à la date et heure convenues à l’enseigne de ce restaurant gastronomique.
Le restaurateur travaille avec des produits frais du jour, pour lui faciliter sa tâche, le rendez-vous est fixé à 10 heures ce qui paraît justifié si nous voulons consommer un menu préparé pour les 24 gagnants du tirage au sort.
Tout est organisé comme une revue de casernement à l’armée.
Dans une grande salle équipée de sièges peu confortables, nous pensons rencontrer des producteurs locaux avec des produits frais, mais rien de cela.
Il s’agissait de produits d’hygiène corporelle, d’ustensiles de cuisine et de confort du sommeil.
Nos soupçons initiaux se confirment sans surprise parce que tous les heureux bénéficiaires présents sont des gens du troisième âge.
Est-il nécessaire d’attirer votre attention sur ce point ?
Nous sommes des poissons prêts à frire dans la poêle, des retraités facilement influençables, dociles à convaincre et peut-être assez aisés pour se lancer dans l’acquisition de tout ou partie de ces produits non périssables.
Nous étions en présence de mauvais commerciaux qui, pendant plus de deux heures tentent de nous faire croire que seul un matelas révolutionnaire n’appartient pas aux nombreux cadeaux offerts.
Les produits d’hygiène corporelle haut de gamme, des ustensiles de cuisine de qualité exceptionnelle garantis à vie, une couette intelligente, des bouteilles de vin du Minervois, voilà pour les cadeaux.
Tout cela pour chacun des gagnants au tirage au sort. Un cadeau pharaonique à couper le souffle si cela est réellement un cadeau, ce dont nous doutons sérieusement.
Pourquoi donc le matelas ne fait pas partie de la liste ?
Nous ne tardons pas à le savoir quand le commercial nous présente un contrat qui énumère les produits cadeaux et le matelas si nous le souhaitons.
Pour avoir théoriquement toute la panoplie il faut s’engager sur un contrat pour la modique somme de 2900 €.
C’est là que la qualité majoritaire des femmes s’exprime, l’intuition qui dit à mon épouse ceci est un leurre.
Mon épouse qui a le contrat en main et le stylo pour signer demande des explications au commercial.
Ce dernier se sentant démasqué arrache le contrat des mains de mon épouse et s’empresse de le mettre entre les mains d’un autre participant pour signature. Conjointement à cela, il rassemble tous les cadeaux près de cette personne pour tenter de rassurer les autres participants.
Nul doute, nous sommes en présence d’une supercherie à laquelle pourrait être associé ce signataire.
Les confirmations ne tardent pas à venir. Le navire prend l’eau, il faut colmater les brèches et écarter tout danger de propagation.
Pour ce faire, on retient mon épouse pour essayer de la convaincre, alors que les autres invités sont dirigés vers la salle de restaurant qui n’a rien d’un gastronomique. Ces derniers sont confinés dans une salle.On nous installe dans la salle du bistrot en nous faisant remarquer que nous étions mieux en ce point auprès d’une fenêtre.
Nous laissons croire à notre satisfaction, car nous sommes sous surveillance d’une organisatrice.
Après concertation avec mon épouse, nous quittons l’établissement et faisons part de notre décision à la surveillante.
L’intervention de mon épouse porte ses fruits, la lividité du visage du commercial confirme que nous sommes sur un marché de dupes.
La leçon de cette histoire est qu’il faut être très attentif au comportement des autres que ce soit en bien ou en mal.
Le démarchage commercial quelle qu’en soit sa pratique est basé sur l’imposture et l’arnaque.
Vingt et quatre débiles mentaux à qui l’on répète pendant deux heures qu’ils sont agressés par des douleurs et ont la mémoire défaillante, voilà les poissons aveugles et vulnérables attirés par tant d’appâts.
Comme dans toute partie de pêche, il arrive souvent qu’elle soit dérangée par un intrus indésirable.
C’est ce qui vient d’arriver.
Ces orateurs sans scrupules profitent de la vulnérabilité d’une population soigneusement ciblée.
MERCI à cet orateur qui me permet de lui citer quelques phrases de Mr de la FONTAINE. Le loup et le chien :
Attaché ? dit le loup : vous ne courez donc pas ou vous voulez ? Pas toujours, mais qu’importe ? Il importe si bien, que de tous vos repas je ne veux en aucune sorte. Et ne voudrais pas même un trésor.
Le cochet, le chat et le souriceau :
Garde-toi tant que tu vivras De juger les gens sur la mine
Cette intervention a l’avantage de lever le voile et de suspendre les signatures.
TEL EST PRIS QUI CROYAIT PRENDRE.
Bayard.