~~Mon village natal. Culpabilité d’abandon.
Blotti contre la chaîne pyrénéenne, mon cher village natal porte un nom qui lui rend hommage : TREBONS.
Connu pour le moins dans la France entière parce que figurant sur les principaux catalogues des semenciers. Mais par quelle plante est-il si renommé ?
Par ses oignons bien sûr.
Une légende rapporte qu’il se nomme ainsi parce qu’un empereur romain, en croquant un oignon s’est exclamé en criant Très Bon. Faut-il prendre cela pour argent comptant ?
Peut-être.
Tous les ans une fête de l’oignon rend hommage à ce nectar du au sol qui lui apporte sa douceur.
Ce qui me pousse aujourd’hui à parler de ce village qui m’a donné la joie d’y vivre dans une modeste demeure qui existe encore, ce sont ces tragiques crues.
Depuis ma plus jeune enfance, j’en ai parcouru tous les sentiers, foulé les abondantes prairies, longé cette multitude de petits rus (arriu) en patois et cueilli les champignons dans nos bois et châtaigneraies.
L’été étaient pour nous enfants, la saison des plaisirs de la nature avec ses fraises des bois et ces myrtilles sauvages qui excitaient nos papilles.
Il y avait aussi ces deux rivières plus importantes, l’Adour, frontière territoriale entre Trébons et Ordizan et l’Oussouet.
Cette dernière était entravée dans son cours par des barrages escamotables nécessaires à l’alimentation des canaux d’irrigation. Quand ils étaient en service, ils offraient de magnifiques plans d’eau limpide propice à la baignade.
Parfois, à la saison des pluies il lui arrivait d’inonder certaines parcelles mais sans gros dégâts. Une maison voisine bâtie sur sa rive gauche était parfois visitée par cette onde capricieuse.
Aujourd’hui, je suis triste parce que cette rivière qui prend sa source sur une commune voisine, au sud-ouest de notre village est sortie de son lit emportant avec elle une malheureuse victime venue de loin pour trouver la quiétude dans ce vallon bucolique. Pourquoi, toi l’Oussouet as-tu détruit sur ton passage les ponts, les routes et cette demeure plus que centenaire ?
Et toi la Douloustre, minuscule ruisseau qui serpente entre notre village et celui de Montgaillard pour rejoindre l’Adour tout comme l’Oussouet as-tu dévasté sur ton passage ponts et routes ?
Qui donc a suralimenté ton cours et donné tant de puissance ?
Difficile à croire, mais les faits sont là pour remplir nos cœurs d’émotion et de colère. L’homme est-il responsable de votre colère ?
Notre commune comme toutes ces bourgades rurales voient les constructions se multiplier pour modifier un paysage qu’il aurait fallu sauvegarder en terres agricoles tant son sol est fertile et facile à irriguer.
Pourquoi, lors du dernier demi-siècle a-t-on remplacé nos châtaigniers, nos chênes, nos frênes, nos bouleaux par des résineux créant ainsi des forêts impénétrables avec une surmultiplication des racines qui inhibent l’infiltration et vos branches la pénétration du soleil ?
Pourquoi ne pas avoir respecté la nature d’origine qui prévoit la pousse de ces essences à compter d’une certaine altitude ?
Que voulait-on faire de tous ces résineux alors que les résineux étrangers de meilleures qualités étaient commercialisés en France ?
Si cela pose problème, le mien est bien différent.
Devant un tel état des lieux, mon cœur est profondément meurtri parce qu’avec ces images mes souvenirs heureux semblent gommés. Malgré que l’on ne puisse rien faire contre la nature en furie, mon éloignement me culpabilise. Ma présence aurait pu peut-être apporter un peu de réconfort.
Quand j’ai quitté ce havre de paix et de tranquillité, les habitants étaient solidaires, on ne laissait personne dans le besoin, ce comportement m’avait beaucoup marqué au point qu’il est gravé au plus profond de mon être.
J’espère et souhaite qu’il en soit encore ainsi.
A tous ceux qui sont touchés dans leur chair et dans leur cœur, je leur adresse mes très chaleureuses amitiés.
Bayard.